Le prof de littérature commençait sérieusement à me taper sur le système. Et comme il savait aussi bien que moi que s'il n'arrêtait pas à me contredire de la sorte, ça allait mal se terminer, il finit par me dire quelque chose à propos d'un débarras et d'un balai. Sur le coup, je n'ai pas compris ce que le débarras venait faire dans l'affaire. Mais puisque nous étions en train de mettre en scène l'acte II d'une pièce de théâtre, dans laquelle je jouais une domestique, le balai semblait être l'objet approprié pour mon personnage. Je me suis abstenue de lui répondre qu'il aurait pu y penser avant. Mais comme j'en avais assez qu'il me colle à chaque fois qu'il en avait l'occasion, j'ai fait ce qu'il me demandait et je suis sortie de la salle de classe pour me diriger vers le débarras. J'avais dans l'idée que mon prof assouvissait une petite vengeance en m'envoyant là-bas. C'est vrai, nous étions au deuxième étage et il m'a envoyée au sous-sol. Maudit prof. Bref, en bonne élève que je suis, j'ai fait ce qu'il me demandait.
Une fois dans le débarras, j'étais tellement énervée à cause du dit prof, que je n'ai pas fait attention au bout de bois qu'il y avait devant la porte du débarras, de sorte de coincer la porte pour ne pas se retrouver enfermés. Ce n'est qu'après avoir entendu le mot « enfermés » que je me suis rendue compte de mon erreur. Je me suis alors retournée vers la personne qui venait de prononcer ce mot, et en un instant, toute ma rancune pour mon professeur disparu. Monsieur Grayson était là. Et à chaque fois qu'il m'arrivait de le croiser dans le couloir, c'était comme magique. Pourtant, je ne suis pas le genre de filles qui rêvent les yeux ouverts. Mais avec monsieur Grayson, c'est différent. Enfin, ça l'est pour moi en tout cas. J'ai alors dû me confondre en excuses, tout en grimaçant de ma bêtise... « Oh non ! Je suis désolée... Vraiment désolée... Tout ça pour un maudit balai ! » En fin de compte, ma rancœur envers mon professeur ne s'était pas totalement évanouie...

Cette histoire de balai allait finir par me rendre dingue ! Non mais franchement, quelle idée d'envoyer une de ses élèves dans un débarras qui se trouve à des kilomètres de sa salle de classe ?! Bon d'accord, j'exagère un peu, un peu beaucoup même, mais passons... Heureusement pour moi, tout n'était pas perdu. Et oui, monsieur Grayson n'était pas ce qu'on pouvait appeler une mauvaise compagnie, bien au contraire. Il a toujours eu ce regard. Ses yeux m'ont toujours attirée... C'est étrange comme ce prof avait ce pouvoir de séduction sur moi, s'en était presque effrayant. Il avait dix ans de plus que moi et il m'attirait très fortement. Alors lorsqu'il dit que j'allais devoir le subir un moment, son sourire traduisait tout à fait ce que je ressentais tout au fond de moi. Puis il se mit à parler de mon petit ami. S'il savait... Toujours est-il que je me suis assise tout comme il venait de me le proposer tout en répliquant, un sourire aux lèvres : « Le coach le plus sexy de l'histoire du lycée ? Et bien, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère ! » Même si je pensais exactement la même chose, j'avais plus envie de le charrier pour le moment. Je ré-freinais mes envies comme je le pouvais et c'était loin d'être facile. Alors comme pour m'empêcher de céder au vice, j'ai ajouté dans mon élan : « Mon petit ami ne dira rien... C'est sûr alors, il n'a vraiment rien à craindre ? » J'ai toujours aimer jouer. Et là, j'y étais allée un peu fort. Après tout, il était professeur et moi une simple élève de ce lycée. Même si la plupart des gens savaient que monsieur Grayson, enfin Millow, entrenaient de drôles de relations avec ses élèves, cela restait tout de même implicite. Et c'était tant mieux. Malgré tout, j'attendais sa réponse avec impatience. J'allais voir s'il allait entrer dans mon jeu ou non. Même si finalement, il avait fait le premier pas en citant mon petit ami. J'espérais d'ailleurs que personne n'ait vent de cette conversation. Qui sait les retombées que ça pourrait avoir. Même si le jeu est dangereux, j'aurais tendance à dire qu'il en vaut la chandelle mais c'est simplement parce que les yeux et les abdos parfaitement sculptés de Millow me faisaient fondre...

La modestie n'était pas son point fort d'après lui. Ça, c'est certain. Mais il me faisait sourire, c'était un bon début. Et puis il n'avait pas besoin de parler pour me faire sourire. C'est vrai, il me suffisait de le regarder pour que mon visage s'illumine. D'accord, c'est légèrement exagéré mais ses yeux sont si magnifiques que je ne pouvais pas m'empêcher de le scruter. Il devait trouver ça étrange c'est pourquoi j'ai dévié mon regard du sien, tout en essayant de le faire le plus discrètement possible et toujours de manière plausible. Autant dire que la comédie n'était pas mon fort.
Je ne lui ai rien répondu au sujet de sa modestie, je me suis contentée de sourire. J'aimais sa franchise. J'ai toujours eu du respect pour les personnes qui n'ont pas peur de dire ce qu'elles pensent. Bien que le sujet de sa modestie ne soit pas une vérité flamboyante, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une vérité. Ce qu'il ajouta par la suite brillait de sous-entendus. Ce qui eut pour effet de me faire sourire de plus bel. Je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher de répliquer : « Alors je suis attirante, c'est bon à savoir... En revanche, je dois dire que vous ne l'êtes pas du tout de votre côté. Je connais des garçons ou même des hommes dont les yeux sont mille fois plus magnifiques que les vôtres. Qui ont les cheveux beaucoup plus soyeux et qui brillent dans leur manière de faire des sous-entendus. Finalement, si, c'est tout à fait vous tout ça... » D'accord, j'allais très loin. Mais ce n'étaient que des paroles, je n'aurais jamais franchi le pas. Tout du moins j'allais essayer de ne pas le franchir. Il le fallait. Il était coach et moi élève, et puis quand bien même ça arriverait, ça ne serait pas moral. Même si ce n'était pas l'envie qui me manquait. Je me suis alors concentrée sur sa réplique suivante. Il revint sur le fait que j'étais en couple. A cela, j'ai doublement rétorqué, tout en restant souriante et d'une manière toute gentille : « En admettant que vous vous laissiez tenter, voilà comment je vois les choses. » J'ai relevé la tête tout en imitant quelqu'un qui entrait dans une grande réflexion. Ce qui n'effaça pas mon sourire. « Mon petit ami n'est en fait que mon meilleur ami même si... Enfin bon, laissons les détails de côté. Ma relation de couple n'en est en faite pas une donc vous ne seriez pas un briseur de couples à proprement parlé. Mais ce que j'en dis moi. » J'allais beaucoup trop loin. D'accord, j'ai toujours adoré jouer avec le feu mais là, je me rendais bien compte que ça devenait de plus en plus dangereux... Alors j'ai ajouté pour ne serait-ce que calmer le jeu : « Mais un bel homme comme vous doit bien avoir une petite amie non ? Sinon, la vie est vraiment cruelle ! » Dis-je toujours en souriant. Je ne savais pas où tout cela allait nous mener mais je n'allais très bientôt plus rien maîtriser du tout si je continuais...

Je n'en croyais pas un mot. C'était purement impossible qu'un mec comme monsieur Grayson n'ait pas trouver chaussure à son pied. Non mais vraiment ! Il était si mignon, si charmeur et si... Il était tellement de choses que les filles qui sont sorties avec lui étaient soient stupides, soient vraiment dérangées. Quoi que je dis ça, mais je n'en sais rien finalement. La vie n'apporte pas toujours ce qu'on veut. Alors je me suis contentée de grimacer lorsqu'il a évoqué le fait qu'il n'a pas eu de petite amie depuis des années. Je n'ai rien répondu (avec des mots) à cela. J'ai attendu de voir ce qu'il allait ajouter. Et autant dire que je ne fus pas déçue. Il approcha son visage du mien et ce que nous désirions tous les deux arriva. Il m'embrassa. Moi-même, j'ai eu peine à le croire. Ses lèvres étaient si douces, si merveilleuses... Ça ne pouvait pas arriver. Lorsqu'il décolla ses lèvres des miennes, je n'aspirais qu'à une chose : recommencer. Puis les mots suivants me sont revenus à l'esprit : « prof » « relation interdite ». Mais qui parle de relation?! Il prit le premier la parole après notre baiser et ses mots me parurent très responsables, même si je mourrais d'envie de retenter l'expérience. Mais je devais m'allier à son point de vue. Alors je lui ai répondu, d'un air le plus détaché possible : « Vous avez raison. » Je me suis levée à mon tour et j'ai commencé à tourner en rond. Finalement, je devais une fière chandelle à ce bon vieux prof de littérature.
Au bout d'un moment, le moment où je n'en pus plus de tourner en rond, j'ai alors repris la parole : « Le jeu est déjà dangereux. C'est vrai, vous êtes là et moi aussi. Et on s'amuse depuis tout à l'heure à jouer au chat et à la souris. Sans les petits pics assassines, fort heureusement. Alors ce jeu est déjà beaucoup trop dangereux, c'est certain... » Pourquoi est-ce que je réagissais de la sorte ? Pourquoi n'étais-je plus la fille raisonnable que j'avais l'habitude d'être ? L'atmosphère du débarras combinée à la présence du prof le plus sexy du lycée n'arrangeaient rien. Malgré tout, je suis restée à une distance convenable de lui.

Tout ceci me plaisait bien, même plus que bien, je dois dire... Mais ce n'était pas bien dans le sens où un prof et une élève n'ont pas le droit de s'adonner à de pareils petits jeux. Mais monsieur Grayson le disait lui-même, il adorait le danger, ce qui était également mon cas. Et je ne pouvais décemment pas cesser de m'amuser avec lui alors que notre petit jeu prenait un chemin bien plus que désiré. Alors je n'ai même pas pris la peine de lui répondre au sujet du danger. Je me suis contentée de le laisser faire. Et lorsqu'il a enfin atteint mes lèvres, j'eus un sourire de satisfaction. Et ses mots me ne cessaient de me faire sourire également. « Les jeux, j'adore ça ! » Mais mon esprit me ramena inévitablement à ce moment que je m'épuisais jour et nuit à éviter et à oublier. A chaque fois que je m'adonnais à un jeu quelconque, j'en revenais inévitablement à repenser à ce jour... Ce jour où ma sœur et moi n'avions que cinq ans. Ce jour où nos vies ont basculé par ma faute... Je n'étais qu'une enfant mais le mal a été fait et il ne peut pas être réparé.
Je ne pouvais décemment pas continuer de penser à une chose pareille alors que je m'amusais tellement dans les bras de Millow. Car oui, maintenant je pouvais l'appeler par son prénom. Et toutes les filles du bahut savaient parfaitement comment se prénommait monsieur Grayson. J'ai alors fait de mon mieux pour chasser cette pensée de mon esprit torturé. Et j'y parvins non, sans mal. Mais il me fallut tout de même sauver les apparences. C'est pourquoi je me suis doucement dégagée de l'emprise de Millow en faisant passer cela pour une énième tentative de séduction. « Mais j'adore aussi quand vous faites tout pour m'attraper. » Je poussais le bouchon trop loin. Et mon « petit ami » n'aurait pas aimé. Mais pourquoi est-ce que je revenais toujours à penser à lui ?! Cette fois-ci, ce ne fut pas difficile de me concentrer une nouvelle fois sur Millow. « Mais ce débarras est trop petit, vous aurez très vite l'avantage... » Malgré tout, je lui ai laissé le temps de revenir à ma hauteur. Je priais pour que personne ne vienne nous ouvrir la porte. Et mon prof de littérature devait être bien content de ne pas me voir revenir. Ce n'était sûrement pas lui qui s'inquiéterait à mon sujet.

Millow près de moi, je fus celle qui l'embrassa cette fois-ci. Et je n'ai pas pu m'empêcher d'ajouter : « J'espère que toutes tes élèves n'ont pas le même traitement de faveur... » D'accord, c'était mal placé de ma part. Mais c'était plus pour m'amuser qu'autre chose. Même si savoir qu'il s'amusait comme ça avec d'autres filles me pinçait le cœur rien que de l'imaginer.